La Vallée du Thoré
Il faut grimper sur les crêtes de la Forêt de Nore ou les pentes moins escarpées du côté opposé pour embrasser du regard la Vallée du Thoré et comprendre comment la topographie des lieux a imposé aux hommes une histoire commune. Du Roc de Peyremaux (1008 m), on aperçoit les champs et les forêts, qui s’élèvent lentement et se raccordent au plateau d’Anglès. La Montagne Noire surprend par ses abrupts et ses replis secrets. Au fond de la vallée coule le Thoré.
Le Thoré, qui prend sa source à Bladières, à 10 kilomètres en amont de Labastide-Rouairoux, dans l’Hérault, est bien l’axe névralgique et le trait d’union des communes de la Haute Vallée. La rivière a servi à délimiter les territoires. Elle a été la force motrice des premiers moulins puis des premiers foulons des usines textiles. La route de Castres à Saint-Pons qui fut créée dans les années 1760 a attiré les hommes dans les fonds du vallon. La ligne de chemin de fer allant de Castres à Bédarieux, construite en 1888, a aujourd’hui trouvé une nouvelle utilité. Transformée en voie verte et baptisée Passa Pais®, elle fait le bonheur des promeneurs de tous âges.
Empreinte du passé…
Des vestiges d’un passé lointain sont remarquables sur le territoire de la vallée du Thoré. Des pierres plantées témoignent de l’existence d’établissements humains aux temps préhistoriques : le menhir des Prats (les Prés), situé à l’entrée ouest de la vallée, près du Thoré ; le dolmen de la Gante, à Labastide-Rouairoux, qui domine le côté est de la vallée ; les menhirs des « Deux Sœurs », à Lacabarède.
La montagne, lieu de passage et lieu de vie
Choisissant un nouveau manteau de couleur pour chaque saison allant du vert au blanc en passant par le cuivré, la Montagne Noire veille sur les habitants de la vallée. Cependant, bien avant que la vie ne bruisse dans les fonds de la vallée, la montagne abritait les hommes. Le site le plus remarquable est celui de Sales situé à 870 mètres d’altitude. Du XIVe au XVIIIe siècle, point de contact entre les trois diocèses du Tarn, de l’Aude et de l’Hérault, c’était un lieu de marché et de troc important entre montagne et vallée. En 1861 le village comptait 1466 habitants! Le village d’Albine bénéficia de la construction de la route vers le Minervois, terminée après la Révolution, qui favorisait les échanges avec le Bas Languedoc.
La forêt a fourni du XVIIe au début du XIXe siècle le combustible nécessaire à la fabrication du verre. Les fours à verre se trouvent à flanc de montagne sur une zone allant des Verreries-de-Moussans à la forêt de Nore.
La montagne a aussi été le lieu de refuge des protestants au temps des guerres de religion.
Les guerres de religion
Si l’évangélisation de la vallée remonte au Ve siècle, les fondations ecclésiastiques et les églises se développent surtout aux IXe et Xe siècles. Les Bénédictins de Caunes construiront en 1120 à Saint-Amans -Valtoret la tour du couchant, première ébauche du château. La paroisse de Saint-Saturnin-de-Beson (936), aujourd’hui disparue sous les arbres sera le lieu de naissance de la commune de Labastide. Les populations trouvent aide et protection auprès des moines et des seigneurs qui en retour perçoivent prébendes et hommes de main.
On construit murailles et castels pour protéger les habitants : château du Castelas à Labastide-Rouairoux, murailles de Lacabarède, château de Caylus à Rouairoux, château de Sauveterre. Désireux de s’affranchir de la tutelle seigneuriale, un groupe d’habitants de Saint-Amans-Ville Mage (aujourd’hui, Valtoret) iront fonder sur l’autre rive Labastide Saint-Amans (aujourd’hui, Soult) de 1220 à 1225. Avant les seigneurs, au XIIe siècle, l’Eglise accorda à certaines villes des franchises : c’est là l’origine du mot Sauveterre.
De 1550, date où le protestantisme s’implanta dans la région, à 1630, des combats eurent lieu dans la Vallée. Suite aux pillages, destructions, profanations (monastère de Saint-Pons en 1567; église de Labastide) et persécutions, les calvinistes sont obligés à se cacher pour célébrer leur culte. Ces luttes qui ont parfois déchiré les familles ont laissé des traces. Fort heureusement, grâce au dialogue, à l’écoute mutuelle…et aux mariages interconfessionnels, les plaies se sont refermées.
« Cardeur huguenot, paysan papiste » (E. Le Roy Ladurie)
Cette formule raccourcie nous conduit à parler de ce qui a fait la richesse de la Vallée, le fil de laine. Dans les années 1720, alors que Mazamet s’est spécialisée dans les cordelats, les villages de Rouairoux, Sauveterre, Lacabarède, Saint-Amans fabriquent des sargues utilisant des tissus plus grossiers . Labastide fournit des sargues unies de meilleure qualité. Ce village restera fidèle à la fabrication des tissus.
L’année 1851 marque l’avènement du délainage à Mazamet. On commence à traiter les premières peaux en provenance d’Argentine. Désormais dans la Vallée les heures seront ponctuées par les appels lancinants des sirènes des usines. Les hommes et les femmes qui y travaillent sont mi-ouvriers, mi-paysans, partageant leur journée entre l’usine et les champs ou leur jardin. Puis arrivèrent les crises, récurrentes, qui annonçaient le déclin de cette activité.
Le vent de l’Histoire
Comme le vent d’autan qui balaye périodiquement la Vallée et nettoie le ciel à grands coups de bleu, l’Histoire passe à tire d’ailes. Nos enfants ne peuvent imaginer ce que fut cette Vallée industrielle où la vie palpitait à grand cœur, sur les flancs de la montagne et dans les creux du vallon. Aujourd’hui, neuf villages de caractère, se sont regroupés au sein d’une Communauté de Communes avec le désir de s’ouvrir les uns aux autres, de partager un avenir identitaire riche de promesses et de relever de nouveaux défis.